Dans de nombreux laboratoires de biologie médicale, une phrase revient souvent, à voix basse ou entre deux analyses :
« On nous parle toujours de normes… mais on ne comprend jamais vraiment ce qu’on attend de nous. »
ISO 15189, SLIPTA, exigences qualité… Le vocabulaire est imposant. Les documents sont nombreux. Les injonctions sont parfois contradictoires. Et au bout du compte, ce qui devrait guider la qualité devient une source de confusion.
Dans les contextes africains à ressources limitées, ce flou est encore plus marqué.
Manque de formation, absence de cadre national, surcharge de travail, ou simple peur de “mal faire”… Tout cela fait que les normes sont perçues comme floues, lointaines, voire intimidantes.
Pourtant, elles n’ont pas été créées pour compliquer la vie des professionnels.
Si elles sont bien comprises, elles peuvent devenir des alliées puissantes pour structurer le travail, renforcer la fiabilité, mieux former les équipes, et même gagner en reconnaissance professionnelle.
Dans cet article, je vous aide à :
• Décortiquer pourquoi les normes semblent si floues dans nos laboratoires,
• Comprendre ce qu’elles demandent réellement,
• Et surtout, comment les transformer en leviers de progrès concrets, adaptés à notre réalité de terrain.
Prêt à passer du flou au concret ? Allons-y.
Pourquoi les normes semblent floues dans nos laboratoires ?
Si tant de professionnels du laboratoire se sentent perdus face aux normes, ce n’est pas un problème de compétence.
C’est un problème de contexte, de transmission… et parfois, de culture de travail.
Voici les principales causes de ce flou :
1. Un langage trop technique, rarement expliqué
Les normes comme ISO 15189 utilisent un vocabulaire spécifique : politique qualité, validation de méthode, maîtrise documentaire, indicateurs, actions correctives…
Mais dans la réalité de terrain, ce jargon n’est presque jamais traduit en mots simples ni illustré par des exemples concrets. Résultat : les équipes appliquent sans comprendre, ou évitent carrément le sujet.
2. Des documents copiés-collés, peu adaptés au contexte
Dans beaucoup de laboratoires, les premiers manuels qualité ou procédures sont… des modèles copiés sur Internet ou transmis par un autre établissement.
Mais sans adaptation, ces documents deviennent vite incompréhensibles ou inapplicables, car ils ne correspondent ni à la structure du labo, ni aux pratiques locales, ni aux moyens disponibles.
3. Une mise en œuvre imposée, sans explication ni accompagnement
Parfois, la qualité est introduite par injonction : « Le ministère veut qu’on suive SLIPTA », « L’audit arrive », « Faites vite un manuel qualité ! ».
Mais sans prendre le temps d’expliquer le sens des exigences, ni de former les équipes pas à pas, on installe une culture de la conformité formelle, pas de la compréhension réelle.
4. Un manque de formation progressive et contextualisée
La formation initiale en biologie médicale (dans de nombreux pays africains) accorde peu de place à la gestion de la qualité.
Et lorsqu’une formation est proposée en cours de carrière, elle est souvent trop théorique, trop dense, ou déconnectée du terrain.
Résultat : les agents apprennent sur le tas, dans l’urgence… et finissent par redouter le mot « norme ».
5. L’isolement des responsables qualité
Enfin, beaucoup de biologistes ou techniciens nommés « responsable qualité » le sont sans mentor, sans équipe, sans budget, sans outils.
Ils doivent à la fois comprendre la norme, convaincre leurs collègues, créer des documents, gérer les audits…
Dans ces conditions, comment ne pas se sentir submergé ? Et comment démystifier les normes si personne ne vous aide à y voir clair ?
Résultat : la norme est perçue comme une montagne abstraite, réservée à des laboratoires mieux équipés ou à des experts en management.
Mais en réalité, avec la bonne approche, chaque laboratoire, même modeste, peut construire son propre chemin qualité.
Que faire concrètement ?
Si les normes qualité semblent floues, c’est souvent parce qu’on essaie d’y répondre sans en comprendre le fondement ni la logique.
Mais en réalité, elles sont structurées de manière cohérente, avec une intention claire : assurer la fiabilité des résultats, la sécurité des patients et la compétence du personnel.
Voici comment les aborder concrètement, même dans un contexte à ressources limitées :
Avant de rédiger un document ou de mettre en œuvre une action, posez-vous toujours la question :
Pourquoi cette exigence existe-t-elle ? Quel risque cherche-t-elle à prévenir ?
Exemple : la maîtrise des enregistrements permet de retrouver l’information fiable en cas d’incident. Ce n’est pas une question de papier, mais de traçabilité.
Pas besoin de tout faire en même temps.
▪ Une politique qualité claire et adaptée au labo connue de tous, réaliste et orientée amélioration continue.
▪ Une organisation des responsabilités : Qui fait quoi ? Qui est responsable qualité ? Comment l’information circule-t-elle ?
▪ Une maîtrise documentaire simple : Pas 100 documents inutiles. Mais des procédures utiles, connues et utilisées.
▪ Une gestion des non-conformités et des actions correctives : C’est le cœur de l’amélioration continue. Identifier les problèmes, et y répondre durablement.
Un système qualité ne repose pas uniquement sur le responsable qualité. Chaque membre de l’équipe a un rôle à jouer :
*Technicien : Respecter les procédures, signaler les anomalies
*Biologiste : Valider les résultats, former les équipes
*Responsable qualité : Suivre les indicateurs, assurer les audits internes *Direction : Soutenir, décider, affecter les ressources
Les normes ne sont pas des chaînes. Elles sont des cartes.
Elles ne disent pas comment vous devez faire, mais ce que vous devez garantir. Vous devez donc choisir le chemin adapté à votre contexte.
Mais une question surgit rapidement dans la réalité du terrain.
Comment faire tout cela… quand on est seul, sans moyens, sans équipe formée ?
Quand j’ai moi-même débuté, je me suis souvent sentie dépassée par la complexité des normes.
Mais petit à petit, j’ai compris une chose essentielle :
Il ne faut pas tout faire d’un coup. Il faut commencer par comprendre, puis construire étape par étape.
C’est exactement ce que je propose aux professionnels de laboratoire qui veulent avancer même sans gros moyens, même seuls.
Avant de se lancer, il faut maîtriser le langage qualité. C’est pourquoi j’ai créé une fiche mémoire simple et claire qui reprend les termes clés relatifs à la qualité.
Ensuite, il faut comprendre la structure globale d’un système qualité, ses grandes étapes, ses exigences et sa logique.
Dans ma masterclass "Comprendre les généralités du SGQ en laboratoire de biologie médicale", je vous explique tout. Les normes en vigueurs et les outils que vous pouvez utiliser dans votre contexte.
En résumé
Les normes ne sont pas des obstacles.
Elles peuvent devenir vos meilleures alliées, si vous les comprenez bien, si vous les traduisez dans votre contexte, et si vous avancez avec les bons outils.
Vous n'avez pas besoin d’être parfait.
Vous avez besoin d’être clair, structuré et progressif.
Et n’oubliez pas :
Un système de gestion de la qualité n’est pas un luxe. C’est une façon de protéger votre travail, vos patients, votre équipe, et votre propre crédibilité.